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L’avenir du monde

Bonsoir messieurs, et merci d’être venus si nombreux. Le thème de cette petite réunion à laquelle je vous ai convié ce soir est ni plus ni moins que l’avenir de notre planète. Et comme tout ce qui touche à des sujets aussi sensibles, tout ce que nous dirons ce soir devra rester absolument confidentiel, ignoré du grand public, tout comme devront rester confidentielles nos identités à tous, et c’est la raison pour laquelle nous devons impérativement porter les masques que l’on vous a remis à l’entrée. Ces masques ne sont pas forcément très confortables, et je vous présente toutes mes excuses pour cela.

Vous êtes tous, comme moi, de bons citoyens américains. Et vous pensez tous, j’en suis sûr, que les valeurs des États-Unis d’Amérique sont les meilleures. Notre démocratie est sans aucun doute un exemple pour le reste du monde. Chez nous, n’importe qui peut se retrouver du jour au lendemain tout en bas, ou tout en haut de l’échelle sociale, en fonction de ses actes. N’importe qui a droit à la réussite, à l’argent, et même à la présidence des États. Ces valeurs sont les meilleures qui soient, et nous devons tout faire pour les garder, pour notre bien à tous, pour le bien de nos enfants, et pour le bien de l’humanité toute entière.

J’interromps ici mon discours, parce que la partie qui va suivre va vraiment être confidentielle, et comme je ne souhaite forcer la main à aucun d’entre vous, j’aimerais que tous ceux qui ne sont pas d’accord avec moi, puissent quitter ce lieu. Il ne leur en sera pas tenu rigueur. Si vous restez, par contre, vous serez obligés de vous ranger de mon côté. Je serais malheureusement obligé de prendre des mesures très sévères le cas contraire. Le bonheur du monde est à ce prix.


Plus personne ? Vraiment ? Vous êtes sûr ? Très bien, je vous remercie d’être restés.

Je disais donc que je souhaite faire en sorte que nos valeurs, si importantes à nos yeux, soient toujours les valeurs de notre nation durant toute notre vie, celles de nos enfants, et celles des enfants qu’auront nos enfants. Et si possible même, que ces valeurs soient celles de toute l’humanité, pour son propre bien.

Malheureusement, vous le savez, le monde est toujours très instable. Aucune démocratie ne peut être certaine de ne pas être renversée par un dictateur qui se met à parler plus fort que les autres. Vous le voyez en ce moment dans la vieille Europe, un homme un peu idéaliste a décidé de soumettre les pays qui l’entouraient. L’Allemagne, guidé par cet Hitler, souhaite conquérir tout le vieux continent pour y apporter mort et désolation. La plupart des pays maintenant conquis avaient pourtant des régimes dits « démocratiques », mais sont maintenant aux mains d’une dictature.

Cela va sans doute vous paraître étrange, mais je souhaite instaurer une « dictature démocratique ».

_ Ha ! Ha ! Ha !

Oui, je sais, les termes sont un peu contradictoires, mais c’est pourtant l’objectif que je me fixe, encore une fois, uniquement pour le bien de l’humanité. Pour détailler un peu plus, j’aimerais que dans ce monde, tout le monde se sente libre, tout le monde puisse, comme c’est le cas aujourd’hui aux États-Unis d’Amérique, accéder aux plus hauts échelons de la hiérarchie sociale. Mais en même temps, je veux que tout le monde soit, secrètement, insidieusement, contrôlé, de manière à l’empêcher de vouloir changer, détruire ces valeurs auxquelles nous tenons tant.

_ Et comment vous compter faire cela ?

Et bien, pour cela, j’ai besoin de vous, de tous les grands industriels du monde, et en particulier de tous ceux qui travaillent dans le monde de la communication. Je souhaite que toutes les informations passées dans les journaux soient écrites en se basant sur nos valeurs, de même pour les émissions radiophoniques. Dès que la guerre sera terminée en Europe, je souhaite que notre nation soit la première à utiliser cette nouvelle technologie que l’on appelle la « télévision », afin d’être la nation qui exportera le plus d’œuvres qui vanterons les mérites de nos valeurs. Dans le même temps, il faudra veiller à ce que tous ces média étouffent toute tentative de rébellion, de manière à ce que le peuple ait vraiment la sensation de vivre dans le meilleur monde possible, et que si jamais quelqu’un pense le contraire, qu’il ait l’impression d’être le seul, d’être un fou, en quelque sorte…

Ensuite, nous ferons en sorte de créer des évènements fâcheux, comme des émeutes civiles, dont le but sera de faire en sorte que le peuple demande plus de surveillance, plus de sécurité. Ainsi, petit à petit, nous installerons un gouvernement autoritaire, à la demande même du peuple, ce qui nous permettra de le satisfaire tout en le contrôlant.

_ Et vous croyez vraiment que les gens vont se laisser berner ?

Oui, je le crois. Je le crois parce que c’est ainsi qu’on les éduque partout, sur la planète. Je parlais encore hier avec un ami psychologue qui me disait que partout dans le monde, on mélange enseignement et éducation. La conséquence est qu’aujourd’hui, nos enfants mélangent vérité et autorité. Faites le test ! Essayez de faire croire à quelqu’un que cet objet est noir. On vous répondra que non, il est blanc, mais insistez, parlez avec autorité, avec l’aplomb de quelqu’un qui connait son sujet. Vous allez voir le doute s’installer chez votre interlocuteur. Regardez comment nos présidents arrivent à faire croire n’importe quoi aux gens, simplement en parlant avec un ton autoritaire !

_ Il y a pourtant un français qui tente une forme d’éducation différente, il me semble… Nous avons commencé une campagne de discrédit sur ce cher monsieur Freinet, si c’est à lui que vous pensez. Je serais surpris que sa méthode ne se répande…

_ Tiens, oui, et en parlant de Célestin Freinet, et puisque vous souhaitez que le monde soit uni, que pensez-vous de la langue internationale qu’il parle, l’Espéranto ?

Je pense qu’il faut l’oublier. Cela doit faire partie des choses dont les médias d’information ne devront pas traiter. Il est important, pour propager nos valeurs et notre culture, de propager également notre langue.

_ Ha ! Ha ! Et vous croyez que les gens vont tous apprendre l’anglais, comme ça, pour nous faire plaisir ? Alors que tous le monde parle le français ? Pour réaliser tout cela, il faudrait déjà que le monde, je veux dire, le reste du monde, accepte de se laisser dicter notre Loi !

C’est vrai, et cela doit se faire en douceur. Nous devons faire croire au monde que c’est lui qui décide de faire comme nous, de suivre l’exemple que nous lui montrons…

_ Mais comment ?

Hé ! Hé ! J’ai un plan ! Il suffit de faire en sorte que le monde entier nous admire, et même plus que cela, qu’il nous soit redevable. Et pour cela, nous allons libérer l’Europe du Nazisme…

_ À coups de dollars ?

Non, non, avec notre armée…

_ Mais le peuple américain ne veut pas entrer en guerre !

Les États-Unis entreront en guerre, avec le soutien de son peuple, dans quelques jours. Le 7 décembre prochain, les japonais doivent mener une attaque surprise sur notre base de Pearl Harbor.

_ Comment le savez-vous ?

Cela fait bien longtemps que nous avons les codes des Japonais. Notre état-major intercepte et décrypte tous les messages qu’ils s’échangent.

_ Mais, il faut prévenir la base, qu’elle se prépare à cette attaque !

_ Ha oui !

Et non, surtout pas. Nous enverrons juste nos porte-avions en manœuvre, histoire qu’ils ne soient pas touchés, mais nous laisserons tout le monde dans l’ignorance…

_ Mais c’est scandaleux !

_ Et pourquoi les porte-avions ? Ils n’ont aucun intérêt ! Il vaut mieux protéger nos cuirassés !

Ha, je vois que certains suivent. En fait, il semble que les porte-avions soient promis à un bel avenir. Et en tous cas, ce sont les navires qui nous ont coûté le plus. Et il faut quand même que nous ayons des dégâts, et hélas, des morts, afin de réussir à convaincre l’opinion d’entrer en guerre.

_ Et cette guerre, si nous la perdons ?

C’est quand même peu probable. Cela fait maintenant un an que les autres pays ont commencé le conflit. Leurs forces s’épuisent, leur matériel s’use. Chez nous, nos soldats sont en pleine forme, et nous n’irons en Europe que lorsque nous serons certains d’être tout à fait prêt, ce qui va limiter les dégâts matériels d’ici là.

_ Et vous pensez qu’on nous portera aux nues pour cela ?

Disons que j’ai également prévu un petit bonus, pour que l’on nous soit vraiment redevable. J’ai prévu cela avec un ami à moi. D’ailleurs, je vais le laisser vous exposer lui-même son plan. Messieurs, je vous présente le Général Georges Marshall.


Cette fiction, sortie de l’imagination de son auteur, contient des faits réels. À vous de juger lesquelles, si vous le pouvez encore…


Stéphane Veyret, juin 2008